Crédits photos : Hélicity
Lors de leurs études à l’école d’ingénieur UniLaSalle Rennes (ex École des Métiers de l’Environnement), Pierre Lumalé, Lucas Vigouroux et Martin Ruau se sont lancés un défi de taille : auto-construire leur maison éco-conçue à Rennes !
D’où vous est venue l’idée ?
« Pierre, alors en première année de classe préparatoire intégrée, à peine sorti du bac comme la plupart d’entre nous (sauf Martin, le papy de la promo), lance une idée autour d’une pause entre deux cours : « vous vous rendez compte que l’on dépense plus de 400€ par mois (hors CAF) dans la location pour des logements étudiants de moins de 20 m2 ? Ça fait quand même 25.000 € de mis au total à la fin de nos études dans le système locatif.. en plus, c’est mal fait, sans confort d’été ni d’hiver, on dépense une fortune en chauffage.. et en plus avec les colocataires, ça se passe mal avec une seule salle de bain… ».
Clairement, à ce moment-là, tout le monde était d’accord avec lui ! C’est alors qu’il nous dit : « En vrai, 25.000€ x 3 ou 4, ça fait le prix d’une baraque, ça vous dit on essaie de réfléchir au fait d’essayer de s’en construire une ? ».
L’audience est alors tiraillée ! Une partie se retire, une autre, plus attentive à cette idée, va commencer à y réfléchir.
C’est alors qu’un petit groupe de 6 étudiants se forme, se rencontre les midis pour imaginer la forme, identifier les besoins… le coût etc. Une fois le tout formalisé dans un Powerpoint, nous décidons d’aller présenter le projet aux administrateurs de l’école ainsi qu’à l’équipe pédagogique.
Certains, peu confiants, nous tournent le dos. D’autres, intéressés à l’idée de professionnaliser des étudiants motivés, nous aiguillent vers la mairie de Bruz et de Rennes métropole. »
Pierre Lumalé, Lucas Vigouroux et Martin Ruau, fondateurs d’Hélicity
Quel problème vouliez-vous résoudre via ce projet d’auto-construction de maison ?
« Ce problème, il provient tout d’abord du constat du parc de logement étudiant : vétuste, énergivore, peu spacieux… Bref, une totale insatisfaction de ce que l’on pouvait trouver sur le marché. Pierre par exemple était en collocation sur Rennes, avec des colocs disons.. peu soucieux de l’hygiène du logement. Lucas était sous les combles sur le campus dans une résidence.
Au moindre rayon de soleil, il y faisait plus de 30° et il ne pouvait recevoir personne dans son 17 m2 sous rampants. Martin quant à lui, s’était résigné à vivre en campagne, chez l’habitant, avec peu de vie sociale, vu les prix pratiqués sur le campus.
Sans parler que nous étions en école d’ENVIRONNEMENT. Vivre dans des bâtiments mal conçus, sans notion de bioclimatisme, avec des chauffages sous les fenêtres et 10 cm de laine de verre comme isolant, le tout supporté par du full béton, autant dire que nos convictions et valeurs environnementales n’étaient pas en phase avec ces types de logement.
Et puis 25.000€ pour 5 ans de location, ça fait réfléchir… »
Comment avez-vous lancé le projet ?
« La solution s’est dessinée au fur et à mesure des rendez-vous avec les acteurs territoriaux et du monde de l’éco construction. Après plusieurs mois de recherche, d’approfondissement et de prise de contacts, certaines personnes du groupe initial ont pris une autre direction, et nous nous sommes retrouvés plus que tous les trois pour l’investissement et la réalisation.
Nous avions alors une nouvelle problématique : faire rentrer le projet dans le budget de 75.000€. Après avoir affiné les prix, vu les fournisseurs et les négoces, nous nous sommes rendus à l’évidence… Le projet est réalisable !
C’est alors que le projet se lance réellement, entre approfondissements techniques (Bureaux d’études mécaniques, dimensionnement des matériaux…) et démarches administratives (permis de construire, convention d’occupation précaire…).
Nous décidons alors de créer l’association, pour le support juridique, et de signer une convention de location d’un terrain à Rennes métropole pour une durée de 5 ans. Et oui, le cœur même du projet (hors aspects environnementaux) réside dans sa modularité et son déplacement à l’issu de la convention ! »
Crédits photo : Hélicity
Combien de temps ça a pris ?
« Le PC (permis de construire) a été validé le 28 juillet 2017. Les matériaux nous attendaient dans un centre de stockage. Le 7 août, nous recevions les 2,5km de poutres.. Sur le papier, c’est un chiffre quelconque. Dans la réalité, c’est un camion de 13m totalement rempli. Autant dire que nous ne nous attendions pas à autant de volume !
La première phase a été de construire dans un atelier murs, sols et la découpe des poutres pour la toiture. Pour se faire, nous avons proposé à des entreprises d’un atelier partagé sur Lorient de ranger et classer leurs stocks, en échange d’une place pour 3 semaines pendant leurs congés d’été ! Et hop, 20 jours plus tard, le transporteur acheminait notre maison en kit sur le terrain dédié.
Là, il nous restait 15 jours avant le début des cours. Nous avons tout mis en œuvre pour assembler au plus vite les « boîtes ». A partir du 15 septembre, entre cours, interviews, pluie bretonne et vie perso, nous continuions la construction : étanchéité à l’eau et à l’air, menuiseries, cloisons, électricité, plomberie, puis placo, peintures, finitions.. Nous n’en voyions pas le bout…
Jusqu’au 15 novembre 2017 où nous emménagions les modules ! Certes rudimentaires dans l’équipement, mais au chaud chez nous ! Nous étions les heureux propriétaires de deux modules de 60 m2 chacun, sans le terrain !
Nous avons à ce moment ralenti le rythme, car épuisés de ces 4 mois intenses. Nous avons attendu l’arrivée du printemps et du beau temps pour finir définitivement les derniers reste-à-faires : terrasse, jardin, déco et bardage ! Nous pouvions alors inaugurer notre réalisation avec l’école, la famille et les parties prenantes. »
Crédits photo : Hélicity
Construire une maison ça ne s’improvise pas, comment avez-vous appris à le faire ?
« Chacun de nous trois avait des notions de bricolage plus ou moins abouties : le père de Pierre travaille dans l’isolation écologique et Pierre l’aidait régulièrement ; Lucas depuis son plus jeune âge fabrique, démonte, bricole tout ce qu’il trouve ; Martin quant à lui aidait son père dans la rénovation de leur maison de campagne en bois/terre/paille.
Mais ces notions ne font pas un bon constructeur ! Nous nous sommes bien entendu formé lors d’un stage d’1 mois à l’outillage, aux techniques du bâtiment et nous nous sommes entourés de professionnels du milieu (artisans, chaines de production, fournisseurs…) et avons été aiguillés de tous les côtés. Nous avons suivi tous les conseils donnés par les experts du milieu pour que la réalisation soit la plus professionnelle possible.
Aussi avec internet, l’accès à l’information est facilité : un simple tuto Youtube peut vous débloquer une situation. Par exemple, comment connecter un interrupteur va-et-vient au compteur ? La réponse en quelques clics !
Sans parler de la famille, des amis, des rencontres qui nous ont tous aidé pour la construction ! Nous managions parfois presque 10 personnes sur le chantier et ce fut des moments de plaisir, d’entraide autour de cette aventure étudiante ! »
Quels sont vos prochains projets ?
« Aujourd’hui, nous avons grâce à ce projet créé notre entreprise de conseil et d’accompagnement à l’éco construction. Diplômés ingénieurs, nous proposons plusieurs services suivant le type de client.
Pour les particuliers, nous pouvons les accompagner de la phase conception jusqu’à la réalisation dans leur projet de rénovation ou de construction. Nous prônons dans nos démarches les matériaux biosourcés, qui, par leur caractéristiques techniques, offrent des performances thermiques très intéressantes.
Crédits photo : Hélicity
Nous travaillons aussi pour les instituts supérieurs d’enseignement dans leur programmation immobilière et souhaitons accompagner les acteurs publics (type CROUS, collectivités) dans leur décisions en impulsant l’utilisation de matériaux biosourcés.
Nous portons en parallèle de cette activité de conseil et d’assistance à maitrise d’ouvrage (AMO construction) des projets plus ambitieux, notamment le déplacement du prototype réalisé ainsi que sa mise en étage pour répondre aux exigences du programme local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de Rennes Métropole.
Pleins d’idées derrière la tête, notre grande ambition est de pouvoir porter un projet de résidence de 45 appartements sur le campus, qui allierait matériaux biosourcés, bioclimatisme et nouvelles formes d’habitat étudiant. Affaire à suivre ! »
Où peut-on vous suivre ?
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